Les raisons d'un engagement social: le mouvement artmigrants

Publié le par Moussa Sarr

La société québécoise fait face à un problème majeur de dénatalité, et incidemment, de vieillissement de sa population. Ce problème démographique en entraîne plusieurs autres, de natures économiques : diminution de la population active, diminution des revenus imposables, baisse de la productivité per capita, diminution et rareté des travailleurs qualifiés, problème de financement des fonds de pensions, augmentation des frais de santé, etc.

En quelques mots, cela se résume par une augmentation des coûts sociaux en contexte général de diminution des revenus, et, en définitive, par un déséquilibre entre l’actif et le passif au budget de l’État. De ce fait, l’immigration deviendra un des principaux enjeux de notre société si celle-ci veut garder et maintenir ses institutions. Le prolongement de la vie active, le maintient des personnes âgées au travail, ne sont que des solutions palliatives : qui ne résolvent pas le problème démographique d’une nation. La solution, depuis toujours, consiste à faire appel à des populations venues d’ailleurs. Ainsi, c’est principalement pour corriger son déficit démographique que notre société fait appel à des immigrants, non par charité, mais pour combler d’abord un besoin économique ; établissant ainsi une sorte de symbiose entre les finalités d’états et les aspirations professionnelles des travailleurs immigrés. Seulement voilà, le phénomène de l’immigration, au Québec, demeure essentiellement un phénomène montréalais, les tentatives d’implantation en région, entreprises par le gouvernement depuis quelques années, n’ont pas réussi à diversifier les villes d’accueil. Ainsi, entre 1995-1999, 78.7 % des immigrants reçus l’ont été à Montréal, contre 14.5 % à Québec et 6.8 % pour le reste du territoire. La tendance ne s’est pas améliorée depuis, en 2001, 85.3 % des immigrants se sont établis à Montréal contre 13.3 % à Québec et un maigre 1.4 % dans les autres régions. En fait, le problème en est un de rétention. Entre 1991-2001, la ville de Québec n’a su retenir que 5 840 des 10 455 immigrants venus s’établir sur son territoire, soit un taux de rétention peu enviable de 55.8%. Paradoxalement, une ville qui attire tant le touriste ne semble pas attirer l’immigrant, ce dernier s'en retournant vivre et travailler à Montréal malgré les emplois vacants à Québec. Ce ne sont pourtant pas les structures d’accueil qui manquent chez-nous, c’est peut-être l’accueil lui-même, le peu d’empressement manifesté par la population de Québec à l’égard de ses nouveaux arrivants. Pourtant, la diversité culturelle est généralement source d’enrichissement collectif lorsque les diverses parties savent former une même société, elle s’enrichit alors d’autant de nuances, de points de vue et de regards différents portés sur une même expérience humaine. L’immigration devient alors source de bénéfices mutuels, permettant de nouveaux échanges, de nouvelles synthèses, suscitant à travers ses rencontres multiples tout un champ des possibles. Ne l’oublions pas, en contexte de mondialisation des marchés et d’ouverture du Québec à l’espace planétaire, chaque immigrant accueilli devient en quelque sorte un ambassadeur du Québec à l’étranger. Évidemment, la solution au problème d’intégration des immigrants consiste à briser leur isolement social, endiguer la peur de la différence, le sentiment de rejet, les préjugés de races ou d’origines. Il suffit pour cela de créer des espaces de rencontres, de dialogues et d’interactions entre les immigrants et la population locale, susciter des événements où leurs talents et leurs savoir-faire pourront être mis en valeur, se manifester comme autant d’atouts, autant d’apports fait à leur société d’accueil. Pour ce faire, l’art est un médium privilégié, puisqu’il sait toucher au plus près à l’identité, l’ouvrir à de nouveaux horizons et garder en mémoire les expériences, les rencontres bénéfiques. Le métissage culturel n’est pas un vain mot ou un simple phénomène de mode, il est une tendance de fond de l’humanité. Les sociétés qui en ressortiront avantagées seront celles qui auront résolu intelligemment l’intégration sociale de leurs immigrants. Que cela puisse ce faire de surcroît de façon agréable, par le moyen des arts et les plaisirs de la culture, c’est là un avantage non négligeable pour un projet comme Arts Migrants. Il ne s’agit plus alors de résoudre simplement un problème d’immigration, mais d’avoir la curiosité et la générosité d’accueillir nos nouveaux citoyens, les intégrer à notre culture tout en se laissant transformer p ar eux, s’ouvrir à la différence tout en partageant la même humanité.


Texte de Renaud Gilbert-Lamy
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